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Pourquoi sommes-nous toujours fatiguées?

Loisirs chronophages, doubles journées, nuits d’insomnies… nous semblons tous pris dans la spirale infernale de la fatigue. Premières touchées? Les femmes. Avis de spécialistes et témoignages.


«Je suis crevée», «Je suis au bout de ma vie», «Je suis HS». Avouons-le, il nous arrive de prononcer ces petites phrases plusieurs fois par semaine… voire plusieurs fois par jour.



«De plus en plus de personnes me consultent parce qu’elles sont fatiguées, note le Dr Maurice Tran Dinh Can, médecin acupuncteur et co-auteur de l’ouvrage «Comment retrouver toute son énergie» (Ed. du Rocher, 2016).

«Tous les âges sont concernés, du jeune enfant à la personne âgée. Mais les adultes en pleine activité professionnelle sont les plus atteints.»

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En particulier leur moitié: car la gent féminine est la catégorie la plus touchée, selon une étude réalisée par le cabinet de conseil Occurrence. Si chaque individu perd 316 heures de sommeil par an en moyenne, les femmes affichent un déficit supérieur de 20% par rapport aux hommes. Autant dire que même sur l’oreiller, la parité ne règne pas.

Pourquoi tant d’injustice? Si nous assumons, pour la plupart, deux journées de travail, nous avons également davantage tendance à verbaliser la fatigue. «C’est un reflet de l’éducation traditionnelle, explique Koorosh Massoudi, docteur en psychologie et enseignant à l’Université de Lausanne (UNIL). On dit aux garçons de ne pas pleurer, on les éduque à contenir leurs émotions. Les femmes sont souvent plus à même de dire leur fatigue, leur tristesse, leur désespoir. Ce n’est pas une preuve de faiblesse, au contraire: l’expression de ce mal-être est une stratégie pour l’évacuer, trouver du soutien. Il y a beaucoup plus de suicides, de passages à l’acte chez les hommes.»

Exprimer son mal-être

Il n’en reste pas moins que les femmes sont effectivement plus fatiguées, confirme Nicky Le Feuvre, sociologue à l’UNIL: «Cela découle d’une surcharge temporelle objective et non seulement ressentie. Elles sont réellement en déficit par rapport aux hommes. D’ailleurs, le sommeil des femmes est plus fréquemment sacrifié.»


C’est là que réside la base du surmenage: cheffes d’orchestres à temps plein, les femmes sont souvent seules garantes de la gestion de temporalités multiples: «Gardiennes de la synchronisation des temps sociaux, elles s’occupent de leur temps à elle, de la temporalité scolaire des enfants, professionnelle du conjoint, de la santé de leurs parents… Elles sont responsables de tout le monde», résume Nicky Le Feuvre.

Agathe, 54 ans et mère de 3 enfants, abonde: «C’est épuisant de devoir tout coordonner, j’ai souvent le sentiment que tout repose sur moi. Je suis le pilier de la famille, je n’ai pas le droit de lâcher. Je ne tombe jamais malade, je ne pourrais pas me le permettre.» Dans le cadre de ses recherches, Maria Del Rio Carral, docteure en psychologie de la santé à l’UNIL, propose une analyse similaire: «Les femmes qui travaillent et qui ont des enfants prennent très souvent sur elles. Elles préfèrent ne pas dormir assez ou sauter des repas plutôt que de pénaliser les autres. Leurs propres besoins de santé et de bien-être passent au second plan.»

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Gérer plusieurs temps en parallèle. Et des temps qui, ces dernières années, deviennent plus exigeants, plus gourmands en énergie. L’injonction générale à la performance s’avère en effet une autre source sournoise de fatigue «Dans chaque activité que nous entreprenons, elle est aujourd’hui omniprésente, note Philippe Zawieja, psychosociologue auteur d’un bien épais «Dictionnaire de la fatigue» (Ed. Droz, 2016). Dès lors, l’épuisement est perçu comme une marque de faiblesse, quelque chose de nuisible. C’est un dysfonctionnement qui doit être pallié.»

Le travail est évidemment pointé comme première source de surmenage. «Le burn out est de plus en plus cité, les gens sont épuisés, se disent plus fatigués par leur vie professionnelle, constate Koorosh Massoudi, chercheur au pôle national de recherche LIVES. Le travail occupe une place centrale, il nous détermine. C’est très présent en Suisse: on se définit par ce que l’on fait.» La précarité et l’insécurité, des phénomènes récents pour notre pays mais que les spécialistes observent de plus en plus, contribuent par ailleurs à alimenter ce climat de peur.

Se greffe à cela une confusion des frontières de plus en plus évidente entre vie pro et perso. Dans notre pays, un quart des actifs (soit plus d’un million de personnes) souffre de stress, d’épuisement ou de surmenage, selon l’organisme de prévention Promotion Santé Suisse. «Auparavant, les sphères privée, professionnelle et publique étaient en correspondance avec des lieux matériels tandis que, aujourd’hui, ce n’est plus aussi net», avance Caroline Dayer, enseignante et chercheuse à l’Université de Genève. «Sans compter les injonctions contemporaines qui nous incitent à être mobile, accessible et disponible 24h/24 pour son job via les nouvelles technologies.» En 2015, 66% des internautes étaient connectés en permanence, relève l’Office fédéral de la statistique. «Le temps s’est accéléré, poursuit la spécialiste. On a l’impression que les mails nous facilitent la tâche, que l’on gagne en productivité par rapport à l’écriture d’une lettre. Mais c’est sans compter les centaines de courriels à trier que l’on reçoit chaque jour.» Et qui nous poursuivent jusqu’à la maison: «Les soucis nous accompagnent ainsi au-delà des heures de travail», ajoute Koorosh Massoudi.

Outre ces sollicitations permanentes, l’état de fatigue est également lié à une perte de sens dans de nombreuses activités professionnelles. Ce nouveau phénomène porte un nom: le «brown out» (baisse de courant, en VF). «Quels que soient nos métiers, on doit tout quantifier, calculer, mettre dans des cases, commente Caroline Dayer. Même dans le domaine de la santé, les professionnels n’ont parfois plus la possibilité de s’occuper des patients, car ils doivent remplir des formulaires à longueur de temps. Ils ne peuvent plus faire leur travail, ce dernier étant supplanté par des tâches absurdes. S’il n’y a pas de sens, il n’y a pas de motivation, on se retrouve alors dans un état d’usure mentale et de fatigue constante.»

Dormir mieux demain…

Dans ce contexte, ajoute Koorosh Massoudi, «l’énergie que l’on donne au travail ne peut plus être récupérée en prenant des vacances ou en se reposant le week-end». Pire encore, au lieu de mettre ce peu de temps de congé à profit pour se ressourcer, nos loisirs deviennent, eux aussi, des challenges éreintants dont il faut récupérer. En cause, là encore, l’impératif d’être toujours dans le coup. Etre nomade et sociable. Etre curieux. Avoir vu les dernières séries en vogue. Fanny, 28 ans, en fait chaque jour l’expérience. «Je n’arrête jamais! J’ai un travail d’architecte très prenant, mais je fais aussi le maximum d’activités possibles en dehors. Je passe mes soirées et mes week-ends à sortir avec des amis, aller au musée, poursuivre la rédaction d’un livre, regarder l’intégrale de «Stranger Things» car mes collègues ont déjà tous visionné la série… Je manque de sommeil, c’est certain, mais si je m’arrête, j’ai l’impression de passer à côté de quelque chose.»

Même durant les heures officiellement estampillées «off», nous avons de plus en plus de mal à lâcher smartphones et tablettes: les 16-44 ans passent ainsi quotidiennement quatre heures de leur temps libre les yeux rivés sur un écran, indique une étude de Publisuisse, le spécialiste de la publicité télévisée. Ils sont en outre de plus en plus nombreux à se connecter entre 3 et 5 heures du matin, histoire de ne rien louper et de ne pas passer, le lendemain, pour un ermite en retraite dans sa caverne. Conséquence directe: dormir est devenu synonyme de gaspiller. «Le temps est perçu comme un bien précieux que l’on doit remplir au maximum d’activités, décrypte Nicky Le Feuvre. La fatigue est aussi liée à ce sentiment de manquer de temps.»

Optimiser son temps, tel est notre mantra. «Mais cela a un coût énergétique, avertit Philippe Zawieja. On maximalise sa pause de midi, ses jours de vacances, ses week-ends, on s’astreint à faire du sport, à avoir des activités culturelles. Cette recherche constante de performance nous conduit à chasser les temps morts et l’inactivité qui sont pourtant des éléments de ressourcement, de défatigue et de délassement essentiels.»

Inutile, dès lors, d’espérer retrouver calme et équilibre d’un coup de baguette magique. Seule planche de salut: s’extraire volontairement du flux et chercher un sens à son travail, à ses loisirs, à sa vie. Car, finalement, seul le but de nos efforts peut justifier la fatigue subie.

La fatigue

Dans l’usage courant, on différencie «bonne» et «mauvaise» fatigue. On connaît la source de la bonne fatigue et on sait que le repos va y remédier. Il s’agit en général d’un épuisement physique, par exemple une randonnée en montagne ou une journée passée à explorer une ville. La mauvaise fatigue ne répond pas à ces critères, on ne parvient pas à en identifier les causes, ni à en sortir; il s’agit généralement d’un surmenage d’ordre psychique. Elle est subie et non pas choisie et n’est pas couplée à une quelconque satisfaction. Lorsqu’on se sent fatigué, il est vivement conseillé d’agir rapidement afin de ne pas entraîner d’autres types de troubles physiologiques. «Il faut tout faire pour retrouver le bon sommeil, celui qui est réparateur», conseille le médecin acupuncteur Maurice Tran Dinh Can. «Une quantité importante de sommeil sera nécessaire pour venir à bout du passif de fatigue accumulé. Pour ne pas rechuter, on veillera ensuite à rester raisonnable en limitant les efforts et les activités non indispensables.»

14 h 55 L’heure fatidique à laquelle nous sommes le plus fatigués lorsqu’on travaille dans un open space, avance une enquête réalisée par London Offices. La raison? Nous nous trouvons alors en pleine phase de digestion.

90 minutes  C’est le temps qu’il nous faut pour retomber dans les bras de Morphée après avoir laissé passer le marchand de sable et les sensations d’endormissement.

2 heures En un siècle, nous avons perdu 2 heures de sommeil: nos arrière-arrière grands-parents dormaient 9 h 15 en moyenne, alors que celle-ci se situe désormais aux alentours de 7 h 15, selon une étude menée par le Dr Stephen Perrig, neurologue aux HUG.

21 % Des actifs somnolent durant la journée, 6% se disent même «très somnolents». Ce chiffre s’explique par le fait qu’un Français sur cinq se déclare insomniaque, révèle l’Institut national du sommeil et de la vigilance.

Témoignages

«Chaque jour, je traîne ma fatigue avec moi», Coralie, 26 ans, employée RH, Malleray «J’ai toujours été de nature à être fatiguée, ma famille me surnomme «la marmotte». Et ces derniers temps, le changement de saison n’a pas aidé… Je suis constamment crevée, j’ai besoin de beaucoup de sommeil et de repos. Si je ne dors pas 8 ou 9 heures, j’ai l’impression d’avoir passé une nuit blanche. Je ne peux alors rien faire, ça m’énerve. Cela me met dans un état où je suis à fleur de peau, je pleure alors très facilement. Ce n’est pas très agréable pour mon mari, lui qui est toujours actif. Parfois, j’ai envie de le suivre, de faire des choses avec lui, mais mon corps me réclame de m’allonger. Chaque jour, je traîne ma fatigue avec moi. Même avant que je devienne maman d’une petite fille, c’était déjà comme cela. C’est probablement dû au stress de la vie quotidienne, je suis quelqu’un de très anxieux. Mais je ne vis pas cela comme une souffrance, cela fait partie de moi. Je n’ai jamais songé à consulter un médecin, car je ne pense pas que cela soit dramatique.»

«Quand je vois certaines personnes avec beaucoup d’énergie, je me sens différente», Nadia, 38 ans, masseuse, Morges «Ce ne sont pas vraiment le travail ou mes enfants qui me fatiguent, mais plutôt les conséquences d’une relation. Il y a quelques années, je suis tombée follement amoureuse d’un homme, j’aurais tout fait pour lui. Il n’en avait rien à faire, je me sentais mal, j’ai commencé à prendre des calmants car je ne parvenais pas à dormir. J’ai développé une tumeur cancéreuse au poumon, organe symbole de la tristesse en médecine chinoise. Cet homme est retourné vivre dans son pays d’origine, ça a été un immense chagrin. J’ai dû être opérée d’une seconde tumeur, bénigne cette fois-ci. Et l’année suivante, j’ai fait une dépression. Ça a été la pire chose à vivre. Insomnie, manque de concentration… J’étais épuisée au quotidien. Je m’en suis sortie en partant rejoindre une amie sur une île. Aujourd’hui, je me sens bien, même si je suis souvent très fatiguée. Lorsque je vois certaines personnes avec tant d’énergie, je ne peux pas m’empêcher de me sentir différente. Mais j’ai tourné la page, j’essaie de vivre avec et de savourer chaque moment de la vie.»

Femina


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